Où ?

Théâtre Nanterre Amandiers, 19 janvier/12 février 2012; Théâtre Vidy-Lausanne, 6/18 mars; Espace des arts de Chalon-sur-Saône, 30/31 mars; Théâtre des arts de Cergy, 22/23 mai. Tournée MAI-JUIN 2013.

jeudi 2 février 2012

La critique de Jean-Pierre Thibaudat

http://blogs.rue89.com/balagan/2012/01/30/leconomie-superstar-des-spectacles-de-lescot-et-rebotier-226414

« Les Trois Parques m'attendent dans le parking » de Jacques Rebotier

La banque de données de Jacques Rebotier

Si « Le Système de Ponzi » est régulièrement ponctué par des accompagnements ou séquences musicales (Charles Nelson joue aussi de la clarinette, du saxo, etc., Lescot de la trompette) alors que le texte est de facture normative, il en va tout autrement chez cet écrivain-musicien qu'est Jacques Rebotier.
Chez lui, l'écriture est d'emblée musicale, l'auteur notant d'un seul geste les phrases (elles-mêmes jouant sur une gymnastique des sons) et leur future élocution. Ses écrits sont aussi des partitions.

« Les Trois Parques m'attendent dans le parking », avec leurs chariots (Victor Tonelli)
En scène donc, trois Parques, ces divinités de l'ancienne Rome qui, filant la vie des hommes au bout de leurs quenouilles, présidaient au fil de leurs destinées jusqu'à le couper.
Aujourd'hui, les trois Parques, plus complices que jamais, s'assoient sur leurs chariots dans un parking souterrain où la lumière saute régulièrement, signe particulier d'un état délabré du monde en général. Et elles parlent. De tout, de rien.

« Les fondamentaux sont bons » dit Baroin

Elles mêlent tout (le langage codé de la météo à la télé avec les cours de la Bourse) et se mêlent de tout. Car elles sont attentives :
  • à toute formule creuse ou perle dite avec le plus grand sérieux, tel l'impayable « les fondamentaux sont bons » de François Baroin ;
  • aux phrases toutes faites de la vie domestique, tel le « dès que vous entendez votre interlocuteur, parlez » (que l'on peut entendre comme une phrase d'amour, pourquoi pas), ou bien l'increvable « tu m'parles pas comme ça quand je conduis ».
Autant de phrases dites en chœur par les trois actrices, ce qui leur donne un relief particulier (procédé que l'on retrouve dans le spectacle de Lescot).
La force et le charme de Rebotier, c'est non seulement de mixer de telles phrases en jouissant de leur abyssal néant, platitude ou dépersonnalisation, et tout autant de les mettre en branle dans une élocution à vitesse variable et souvent plurielle si bien que les trois Parques, quand elles ne se frittent pas, peuvent parler ensemble d'une « même voix », si l'on peut dire.
Il y a longtemps que Rebotier a mis au point cette expression à la fois vocale, musicale et scénique, en particulier lors de ses délicieux duos avec Elise Caron, comme ces « Douze essais d'insolitude ».
ELISE CARON ET JACQUES REBOTIER LISANT « DOUZE ESSAIS D'INSOLITUDE »
Les trois Parques sont jouées par de jeunes actrices – Caroline Espagilière, Nicole Genovèse et Vimala Pons –, et c'est avec jubilation qu'elles entrent dans la langue de Rebotier.

Giscard, Guaino, Guéant : une histoire en 3G

Elle sont donc là à filer leur quenouille, et commentent le temps qui passe, les amours du jour, écoutent le bruit de la politique, jouent aux agences de notation, évoquent les bons du trésor grec, les prêts bancaires aux pauvres, se souviennent (via vidéo) de Giscard parlant de la crise, bifurquent vers Guaino et Guéant ou se passent en boucle la langue de Hollande qui fourche entre la droite et la gauche, ce qui nous vaut ensuite un exercice physique dysleptique hilarant sur le même sujet.
En les entendant chanter « Un oranger sur le sol irlandais… », on en vient à se demander si ces vigilantes vigiles que sont ces trois Parques ne sont pas aussi des oracles.
Bref, si ces suceurs de roues des politiques que sont les autoproclamés humoristes qui sévissent ou sévissaient le matin sur les ondes vous gavent, si les analyses gorgées de prédictions péremptoires jusqu'à l'écœurement de ces pros de politicaillerie que sont les commentateurs attitrés qui font la navette entre les différentes émissions télé ou radio vous donnent la nausée, si cependant la politique, l'économie, les banques, l'amour et « tout ce qui part en sucette » (pour reprendre une expression chère aux textes de Jean-Charles Massera mis en théâtre par Benoit Lambert) vous plongent dans des abîmes d'expectative et de rage conjuguées, alors allez-vous refaire une santé au théâtre auprès de Jacques Rebotier et David Lescot.

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